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Par Michel Pulh
En 2001 le Grenier de Bourgogne allait jouer Les Derniers Jours de lâHumanité [1] dans lâOff dâAvignon. Marc Perrone en avait composé la musique. Le dossier de presse évoquait ses collaborations avec Bernard Lubat et Michel Portal. Ces noms cependant ne nous avaient pas mis la puce à lâoreille quand Guillaume et moi nous étions dans lâéquipe rassemblée par Jean Maisonnave. « Cuvée 74 », il se nourrissait déjà de jazz ; à partir des Hits français de Bechet parmi les disques de ses parents. « Ce qui mâa pris dâemblée câest le son âpre et dense de [son soprano]. Je comprendrais plus tard quâon appelait ça le blues et quâil était révolutionnaire en imposant [le soprano] en instrument lead. [â¦] En 1995, Round Midnight de Miles[2] ; surtout lâarrivée de Coltrane [au ténor] où il chamboule tout. »
Guillaume crée Les Mécaniques CélibÃ¥taires en 2006 où il intègre le jazz au théâtre. Dans Battling Mingus[3], « récit dâun boxeur noir entrant sur un ring et combattant avec sa mémoire », il jette les mots, dâun ordinateur sur un écran en fond de scène, dans les battements de la contrebasse de Sébastien Bacquias. La dramaturgie musicale se poursuit avec Le Nerf[4]et Moby Dick Wanted ![5]. Après quoi Guillaume se « recentre sur le jazz. »
Depuis 2007 déjà , il a apporté sa patte dans Tempo où il titre son premier papier : Mécanique des connexions (#23 juin â septembre) et dans le livre Bourgogne une Terre de Jazz[6] (2015). Désirant mieux approcher « la vérité de cette musique : sociale, joyeuse et hautement sensitive », il crée LeBloc (2019) où il poursuit sa liaison avec dâautres arts. En janvier 2020, Hasse Poulsen et Fabien Duscombs jouent au Musée des Beaux-Arts de Dijon devant La mort de Sénèque[7]. Tout récemment sur Pointbreak, son magazine sur le Net, il fait écouter la Lettre imaginaire à John Coltrane du poète Jean-Claude Pinson, texte à fleur de sens[8], dit par Adélaïde Pornet, que frôlent les saxophones superposés dâAymeric Descharrières. Mais avec Les Hommes de Cire, nouvelle parue en 2008 dans les quatre numéros de Tempo, avec Le Mexicain de Jack London mis en feuilleton à Radio Dijon Campus où il tient une chronique jazz, Guillaume Malvoisin garde une place près des cordes : la boxe, « ça me suivra jusquâau bout. Et Mingus avec. »
[1] – Dâaprès le poète et critique autrichien Kar Kraus (1874-1936).
[2] – 10 septembre 1956.
[3] – 2008. : présenté à DâJazz Nevers
[4] – 2012 : dâaprès The Connexion de Jack Gelber Théâtre Dijon Bourgogne (CDN).
[5] – 2015 : LâARC (Scène nationale Le Creusot).
[6] – Le paradoxe du musicien en région. centre régional du jazz en bourgogne éditions le murmure.
[7] – Jean-Charles Nicaise Perrin. 1788.
[8] – La mémoire transcendante dâA Love Supreme, joué à Juan le 26 juillet 1965.
à lâuniversité de Bourgogne (uB), son mémoire de Master 2 en histoire contemporaine portait sur Le réseau jazzistique dijonnais et le free-jazz[1]. Aujourdâhui Lucas Le Texier prépare une thèse[2] qui porte sur « les émissions radiophoniques à la radio dâÃtat de lâAprès-Guerre, 1 944 jusquâà 1954 ». Il y analyse le rôle « des Américains dans la reconstruction du réseau radiophonique », la manière dont les critiques « ont posé les bases » de parler du jazz sur les ondes, sa présence enfin dans les émissions de variétés. Lucas Le Texier est aussi chargé de cours à lâuB, notamment de lâ« Histoire du jazz » en Musicologie. La musique dont il joue.
Des « solos de Django » joués par son père lui ont très tôt formé lâoreille. Il se rappelle « une expérience très forte » au lycée de Louhans : avoir fait partie dâ« une classe de trombone » interprétant un succès de Sinatra et Sammy Davis Jr : Me and my Shadow[3]. Ãtudiant à Dijon, Lucas fréquente le conservatoire. En 2016, il tient la guitare basse dans 69â¦, un octet approchant In a Silent Way et Bitches Brew[4] quasi au microscope. à présent à la contrebasse, on peut lâentendre dans lâespace public avec les Golden Coasters, titre farceur. Câest un grand écart : Lucas sâest en effet pris de passion pour le New Orleans et les grands orchestres swings. « Jâadore Lunceford. Jâai vraiment un attrait pour le rythme. Ãa vient de Django, sans doute ; câest ancré. » Il est une troisième corde à lâarc de ce jeune homme de 27 ans : les articles où, tant lâuniversitaire que lâamateur, chacun a trouvé son terrain.
Il prolonge son examen du free-jazz[5] dans deux ouvrages collectifs des Ãditions Universitaires de Dijon. Le web lui offre dâautres occasions : la revue Epistrophy où en mai 2020 il retrace la carrière aux « frontières poreuses » de Didier Lockwood, Pointbreak, lâhebdomadaire de Guillaume Malvoisin où il tient lâactualité de concerts. Câest à la suite dâune candidature spontanée quâil est entré à Tempo, débutant sa collaboration en 2016 (#59 juillet septembre) par une chronique de disque.
« Je ne mâen suis pas rendu compte mais jâai construit mon parcours comme ça » constate Lucas. Demain ? « Musicien, câest sûr. Jâai pour projet dâécrire plusieurs ouvrages sur mes différents travaux. Donc on verra. On va essayer de coupler ça du mieux quâon peut. »
[1] – Le réseau jazzistique dijonnais et le free jazz : une transformation des pratiques des amateurs acteurs et musiciens (1970-1986). uB, UFR des Sciences humaines, Département dâHistoire. 2017.
[2] – Sous la direction de Philippe Poirrier, professeur dâhistoire contemporaine à lâuB.
[3] – 22 octobre 1962, orchestre dirigé par Dean Martin.
[4] – Tempo #61 (Janvier-Mars 2017) : Au CRR de Dijon 69⦠revisite la mue électrique de Miles.
[5] – Free-jazz, Black Power in Culture, médias, pouvoirs aux Ãtats-Unis et en Europe occidentale de 1945 à 1991. Sous la direction de Philippe Poirrier 2019 ; Du free-jazz au mélange musical généralisé. Les appropriations de lâavant-garde africaine-américaine en Europe de lâOuest in Circulations musicales transatlantiques au XXe siècle Des Beatles au hardcore punk. Sous la direction de P. Poirrier et L. Le Texier 2021.
Après « un master de philo et des stages de journaliste chaque été », Morgane Macé est aujourdâhui une journaliste pigiste à plein temps. Parmi les différentes publications auxquelles elle collabore, Elle sâévertue à travailler le plus possible pour des médias culturels ; tel Profession Spectacle sur internet, à destination dâun lectorat professionnel. Quand le premier numéro de Tempo est paru en janvier 2002, elle avait 14 ans. Quand il est tombé sous ses yeux, des années plus tard « au Conservatoire » de Dijon, Morgane a adressé « une candidature spontanée » au CRJ. Son premier papier paraît dans le numéro dâavril-juin 2018 (#66) : Stage de découverte : La formation en big band.
« Jâaime la musique – confie-t-elle souriante. Je vais piocher les pépites un peu partout où je les trouve. » Lycéenne à Carnot (Dijon), inscrite dans une option musique, guitariste « autodidacte » elle a fait partie du Black Jazz-Band, un éphémère groupe de jazz manouche de sa promotion, où un camarade lâa initiée aux grilles dâaccords. « Câest comme ça que jâai commencé à faire de la musique. à lâépoque jâécoutais le groupe dijonnais Djivilli Quartet. Il y avait La Passerelle, place Ãmile Zola. Ãa nâa pas duré longtemps. » Mais dâautres musiques lâont attirée – elle sourit devant lâair dépassé de son interlocuteur : « rock, pop rock, industriel, new wave. Jâavais un groupe de shoegaze (un peu rock psychédélic, assez dark) : le Morning Drops. Donc jâallais voir beaucoup de concerts dans des lieux alternatifs comme la Grange Rose, aux Lentillères, à la Péniche Cancale – tous les endroits un peu festifs. » Sans compter les festivals dédiés : « jâai été bénévole à la Route du Rock à Saint-Malo. »
Le retour au jazz a été favorisé chez Morgane Macé par lâacquisition dâune collection de vinyles, très éclectique, qui provenait dâun restaurant discothèque dans les Alpes. « Jâai beaucoup écouté Chet Baker (jâaurais bien aimé lâentendre), Ella Fitzgerald. Jâai eu des grosses périodes comme ça. » Django est resté en bonne place et il faut ajouter Bechet, immanquablement.
à partir de 2016 des collaborateurs francs-comtois sont entrés à la rédaction de Tempo. Approché par Hoël Germain, alors secrétaire de rédaction du magazine, Florent Ormond lâa rejointe en 2018, y chroniquant Orbite, le CD du quartet S.V.E.B, dans #67 (juillet-septembre). Sâil avait écrit des articles en relation avec ses études à lâEHESS[1], ils nâont mais jamais été publiés. Aujourdâhui Florent enseigne « le web design, crée des sites, [fait] du graphisme, de lâinfographie, de la photo. Toutes choses liées à lâimage et à lâinteractivité. » Son autre facette sous-tend son écriture : la musique.
Florent joue du saxophone soprano et du duduk, un hautbois dâArménie à « la sonorité très nostalgique. » On lâentend dans OO. Part 3 qui clôt Horizons, le dernier enregistrement de Potlatch (2020). Ce quintet a vu le jour en 2017 « au Conservatoire de Besançon où jâintervenais dans un atelier jazz. » Les autres musiciens qui y étaient étudiants « travaillent dans la musique actuelle et la musique ancienne[2] ». De son côté Florent sâest pris « très jeune » de passion pour le jazz ; grâce à lâémission dâAlain Gerber sur France Musique, Le jazz est un roman. « Jâavais besoin dâécouter ça tout le temps. Les histoires romancées de Chet Baker, Fats Navarro⦠Câétait passionnant. » Il lit aussi Gerber : « Chet est un super livre ; au collège Le faubourg des Coups-de-Trique », un des romans qui racontent le jazz à travers sa jeunesse belfortaine de lâauteur[3]. Belfort, câest justement là que Florent Ormond a grandi et quâil a fréquenté son conservatoire, avec Bernard Jeannenot[4] puis Fred Borey pour professeurs de saxo.
« Ma passion est née là . Dès que jâécoute un disque, je regarde tous les musiciens qui sont dessus et si jâentends une note de contrebasse qui sonne bien, je regarde tout ce que fait ce contrebassiste et jâachète. Jâai toujours agi comme ça. » Quant aux musiciens quâil écoute souvent : « Il nây en a jamais qui reviennent souvent. Ils reviennent tous. Il faut que je défriche tout le temps. »
Avec Potlatch Florent Ormond caresse ainsi le projet dâun « rapprochement entre notre langage et les musiques anciennes, avec leurs instruments⦠Cette musique de la Renaissance pour moi est merveilleuse. »
[1] – Ãcole des Hautes Ãtudes en Sciences Sociales.
[2] – Cf. Tempo #67 (Orbite) et tempowebzine 1er mars 2021 (Nils Bruder ; « Potlatch, la scène en « Horizons » lointains).
[3] – Chet (Fayard), La couleur orange, Une sorte de bleu (Robert Laffont).
[4] – Qui eut aussi pour élèves Céline Bonacina et Julien Lhuillier.