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Crédit photo : résidence à L’Arrosoir en mai 2022 – Médéric Roquesalane
Entre le 26 et le 28 août, successivement avec ses trois formations – lâImpérial Orphéon, le GRand Impérial Orchestra (GRIO) et lâImpérial Quartet – la Compagnie Impérial se sera produite dans Jazz Campus en Clunisois et Détours en Tournugeois. Le GRIO quant à lui va donner cet automne une série de concerts en Bourgogne-Franche-Comté, soutenus par le CRJ. La culture musicale ouverte dont se prévalent Antonin Leymarie (batterie), Joachim Florent (contrebasse), Aki Rissanen (piano), Simon Girard (trombone), Damien Sabatier et Gérald Chevillon (saxophones basse, baryton, ténor, alto soprano et sopranino), Fred Roudet et Aymeric Avice (trompettes, bugles), témoigne de la portée collective et improvisatrice de leur répertoire.
Tempo : Quâest-ce qui a aiguillé les musiciens du GRand Impérial Orchestra vers la Compagnie Impérial ?
Gérald Chevillon et Joachim Florent (GC-JF) : Cet octet est traversé par les quatre membres de lâImpérial Quartet[1]. à sa création en 2017, nous nâavons pas du tout pensé le GRIO comme une extension de celui-ci, mais plutôt comme une nouvelle proposition sonore. Une fois le projet défini avec son orchestration, notre boussole nous a aiguillés vers les musiciens qui constituent nos repères dans notre grande famille, vers ceux avec qui nous mourrions dâenvie de jouer surtout, comme nous le faisons depuis le début de lâaventure de la Compagnie Impérial.
T : Est-ce toujours le programme Music is our Mistress[2] qui sera présenté au cours des concerts à lâautomne en Bourgogne Franche-Comté ? Ou bien lâoctet a-t-il depuis étendu son répertoire ?
GC-JF : Nous avons créé ce premier programme les 28 et 29 septembre 2018 au Cratère, Scène Nationale dâAlès, avec deux concerts mémorables dans la grande salle. Denis Lafaurie, son directeur, nous a soutenus, aiguillés et stimulés dans tous les projets de la Compagnie Impérial de 2014 à 2021.
Le GRIO compte aujourdâhui cinq compositeurs. à Joachim Florent, Antonin Leymarie et Damien Sabatier qui ont alimenté Music is our Mistress, sâajoutent Aki Rissanen et Simon Girard. Le GRIO est un groupe ouvert ; les propositions de chacun sont accueillies par tous avec curiosité et intérêt. Nous sortons dâun cycle de trois résidences (à lâArrosoir à Chalon-sur-Saône et au Périscope[3] à Lyon) et nous avons un nouveau répertoire. La tournée de cet automne avec les concerts soutenus par le CRJ sera une belle occasion pour nous de jouer les huit nouvelles compositions qui seront lâobjet dâun deuxième album dont lâenregistrement est prévu en décembre pour une sortie en 2023.
T : Dans la boussole du GRIO sâinscrit en filigrane tout un aréopage musical ; de quelle manière intervient-il dans ses compositions ?
GC-JF : Music Is Our Mistress nous a donné lâoccasion de défricher et de mettre en parallèle les musiques de trompes dâun peuple racine dâAfrique centrale, lâethnie Banda Linda, avec le jazz libertaire des années 60-70. Lâintérêt porté de longue date par la Compagnie Impérial aux musiques africaines se retrouvait cette fois mis en regard direct des musiques qui ont façonné ses membres et qui les ont encouragés à devenir musiciens. Dans les musiques qui nous touchent et sont constitutives de notre identité de musiciens de jazz dâaujourdâhui, nous avons donc cherché le côté premier de lâorganisation musicale, qui ne signifie pas primitif ; en témoigne le grand raffinement du contrepoint des Banda Linda, que lâon retrouve de manière analogue dans dâautres traditions du cÅur de lâAfrique.
Une quête musicale qui est aussi une affirmation politique et un point de vue sur le monde ; dans une société qui glorifie chaque jour un peu plus lâindividualisation et le développement personnel, nous sommes à la recherche dâune manière collective dâorganiser notre musique, où la voix de chaque instrumentiste est au service du tout proposé par lâensemble. Le Prime Time dâOrnette Coleman, le Workshop de Charles Mingus ou les travaux dâHenri Threadgill nous montrent que cette façon de faire de la musique, où chaque voix parait très libre dans un ensemble cohérent, nâempêche en rien une expression profonde et sincère de lâart. Comment se situer dans cette pratique en tant que musicien improvisateur ? Lâenjeu est de trouver de nouveaux modèles de compositions qui permettent des développements collectifs et improvisés. Nos sources dâinspiration sâorganisent donc autour de trois pôles : les musiques collectives des peuples premiers, le fil de la polyphonie occidentale, et le jazz libertaire. Nous sommes des musiciens improvisateurs car pour nous lâimprovisation est le meilleur moyen de communiquer notre vision du Monde.
T : Au « T » près, le GRIO nâest-il pas un ensemble joueur-conteur ?
GC-JF : Chaque membre du GRIO peut sâinstaller seul au milieu dâune salle et improviser un concert dâune heure, car il est capable de raconter une histoire et de jouer sa vie, tout comme les bluesmen du Delta tels que Mississipi John Hurt ou Skip James jouaient leur vie en chantant leur vision du Monde et en sâaccompagnant à la guitare ou au piano. Ce lien avec le blues est constitutif du jazz et nous entendons le mettre au cÅur de nos prochaines créations ; retrouvons ce côté conteur dâhistoire qui nous est cher, et servons-nous de la masse orchestrale pour inventer des structures sonores complètement nouvelles !
Propos recueillis par Michel Pulh
Le GRand Impérial Orchestra en Bourgogne-Franche-Comté 6 octobre : D'Jazz Kabaret, Dijon (21) 7 octobre : L'Arrosoir, Chalon/Saône (71) 8 octobre : La fraternelle, Saint-Claude (39) 10 Novembre : DâJazz Nevers Festival (58)
L’interview vidéo de la formation par LeBloc pour le CRJ ici
[1] Joachim Florent, Gérald Chevillon, Damien Sabatier, Antonin Leymarie.
[2] Emprunt-hommage et référence quasi littérale à lâautobiographie de Duke Ellington : Music is my Mistress (Slatkine et Cie, 2016).
[3] Arrosoir : juin 2021, mai 2022. Périscope : avril 2022.