Photo d’illustration : Adobe Stock

Lucas Le Texier

Le constat d’une élévation du niveau technique et expressif des musicien(ne)s s’applique aussi aux jazz(wo)men de la région. Retour sur une génération qui s’est formée dans les conservatoires.

Les jeunes musicien(ne)s d’aujourd’hui possèdent un trait commun : un enseignement musical plus ou moins long. Grâce aux classes de jazz, la jeune génération/les jeunes jazz(wo)men a pu accéder plus facilement à un enseignement musical. Sur nos 9 interviewé(e)s, 8 sont passé(e)s par un cursus jazz au sein d’un des conservatoires de la région (Dijon, Chalon-sur-Saône, Besançon), 5 ont obtenu leur DEM1 en jazz. Bien souvent, le début des études musicales en jazz ne coïncide pas avec leur entrée au sein d’un conservatoire. Il faut dire que les formations en jazz présupposent la plupart du temps d’avoir acquis une formation antérieure2. La jeune génération du jazz BFC n’y échappe pas : Joseph Bijon (g), Clément Merienne (p) ont débuté vers 6 ans un cursus classique au sein du conservatoire de Chalon ; même chose pour Antonin Néel (p) au conservatoire de Lyon à l’âge de 7 ans. Corentin Lallouët (sax), Constantin Meyer (tb) et Jeanne Flandrin (cb) ont aussi débuté vers le même âge des cursus classiques avec des instruments qu’ils délaisseront pour celui qui est le leur aujourd’hui. 

Le bagage classique reste un incontournable3, bien que celui-ci peut être pesant. Christopher Peyrafort (g) qui a débuté en classe TMD4 (qui permet d’alterner entre cursus classique et musical) a poursuivi jusqu’à ses 19-20 ans la guitare classique jusqu’à « prendre conscience que ce n’était pas son truc ». Il a finalement obtenu un DE5 avant d’entreprendre des études de jazz au conservatoire de Dijon, où il est actuellement à la fin de son COP6. Corentin Lallouët a entrepris un parcours similaire, après des études en hautbois depuis son enfance qui l’ont poussé finalement a arrêté complètement l’instrument. Il a repris en autodidacte le saxophone vers sa mi-vingtaine et s’est inscrit en cursus jazz au conservatoire de Chalon pour obtenir un DEM en juin 2020.

Pour autant, cet apprentissage s’est toujours révélé utile pour les jeunes jazz(wo)men. Joseph Bijon se remémore son père qui souhaitait l’inscrire dans une formation classique alors que le premier voulait suivre des cours de guitare électrique… « Et finalement, j’en suis bien content ! » s’exclame-t-il. Mener de front les deux cursus, classique et jazz, semble être la norme. Jeanne Flandrin (cb) suit au conservatoire de Dijon des enseignements des deux branches pour son apprentissage de la contrebasse. Constantin Meyer, s’il a découvert le jazz par l’atelier d’improvisation du conservatoire de Besançon, se consacre avant tout à ses études classiques. 

Autre paramètre, le début en autodidacte. Martin Schiffmann (p) a commencé la musique en terminale et monté des formations de reggae. Il a finalement découvert le jazz à l’âge de 19 ans et, après 3 ou 4 ans d’autodidaxie, la prise de cours particulier et un passage au conservatoire de Dijon, c’est à la Bill Evans Piano Academy qu’il se forme au jazz pendant 3 ans. Il obtiendra son DEM de jazz en 2018 au conservatoire de Chalon. 

Plus rare, mais signe de la diversification et de l’ouverture de l’enseignement musical à toutes les tendances, la découverte du jazz par des cursus de musiques actuelles : Sidonie Dubosc (voc) a intégré un département de la sorte avant de s’engager dans un cursus jazz de deux ans au sein du conservatoire de Chalon. L’enseignement du jazz a été un passage et une manière de s’acclimater au genre, puisqu’elle a finalisé son cursus en musiques actuelles à la suite de cette période. 

La généralisation sur le territoire des enseignements sur le jazz a également entrainé la création de cursus supérieurs. Une étape nécessaire pour Clément Merienne qui a préparé et réussi après son DEM l’entrée au CNSM7 de Paris, où il poursuit ses études ; idem pour Joseph Bijon, qui est inscrit au Jazz Campus de Bâle en deuxième année. 

Les jeunes musicien(ne)s BFC apparaissent comme une jeunesse diplômée et éduquée musicalement. Ils témoignent de l’institutionnalisation et du maillage territorial de l’enseignement du jazz au sein des structures d’enseignement musical. Un parcours nécessaire pour espérer vivre de son art à l’heure d’aujourd’hui, mais aussi une manière de faire des rencontres et de former les groupes de jazz qui composeront le paysage musical de demain.

Ce dossier découpé en 3 parties (en janvier-février-mars 2021) accompagne la sortie des interviews de Martin Schiffmann, Joseph Bijon (Discord_) et d'Antonin Néel sur le magazine en ligne PointBreak.

Tous les contenus du CRJ sur PointBreak ici

1 Diplôme d’études musicales

2 Philippe Coulangeon, « Les musiciens de jazz. Les chemins de la professionnalisation », Genèses. Sciences sociales et histoire, 36, 1999, p. 65.

3 Vincent Cotro détaille l’influence de la tradition de la musique classique sur l’apprentissage technique des violonistes de jazz et des instruments à cordes en général. Vincent Cotro, « Violin and Bowed Strings in Jazz – A French School ? », in Vincent Cotro et al (dir.), Eurojazzland. Jazz and European Sources, Dynamics, and Contexts, Boston, Northeastern Unviersity Press, 2012, p. 81-97.

4 Techniques de la musique et de la danse

5 Diplôme d’Etat

6 Cycle à orientation professionnelle

7 Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris

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