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Crédit photo : Pierre-Emmanuel Weck
Propos recueillis par Pascal Anquetil
Fraichement installé dans lâYonne, le contrebassiste et chanteur sâest fait connaître en 1997 au sein de feu Kassalit, formation explosive animée par Philippe Lemoine. Mais câest comme pilier du trio de Benjamin Moussay quâil sâest vraiment fait remarquer par la présence fine et féline de son jeu. Ce que lâon sait moins, câest que ce discret maître des élégances fondamentales a mené une double vie musicale. Doué dâune belle voix de ténor (précisément de baryton martin), il a été membre pendant une dizaine dâannées de lâensemble vocal SoliTutti qui sâest fait une spécialité de chanter par cÅur des Åuvres de musique contemporaine. Cet artiste atypique, ancré dans la tradition du jazz, aime partager avec dâautres compagnons un goût marqué pour lâaventure à lâécart des modes et des sentiers battus âpour parcourir ensemble les paysages de lââmeâ. Explications.
Dès mon plus jeune âge, grâce à mes parents, jâai beaucoup voyagé dans cette région. Il y a cinq ans, jâai voulu faire découvrir les merveilles de ce territoire à ma compagne qui a très vite souhaité y vivre. Problème ! Ayant tout mon réseau de musiciens dans la région parisienne et donnant des cours chaque semaine au conservatoire du 18e arrondissement, jâai eu du mal à franchir le pas et à me décider à quitter la Capitale. Il y a deux ans, jâai pris conscience que je nâétais plus obligé de rester à Paris tous les jours. Je pouvais me permettre dâhabiter à plus de 200 kilomètres en faisant un à deux trajets par semaine et en regroupant mes diverses activités franciliennes sur deux jours. A 55 ans, vivre aujourdâhui dans lâYonne, à Accolay – Deux Rivières, village situé entre Auxerre et Vézelay, cela me permet de jouir dâune toute autre qualité de vie comme profiter des saisons et des oiseaux, du potager, des baignades en rivière et des promenades en forêt. Je me félicite chaque jour de ce choix.
Non, jâai pris il y a dix ans la décision dâarrêter déjà le chant lyrique et de participer, après un long compagnonnage, à lâensemble vocal SoliTutti quand jâai créé mon premier groupe sous mon nom, le quartette âFerventâ avec Jean-Charles Richard (ss), Guillaume de Chassy (p) et Fabrice Moreau (dm). Jâai eu alors lâimpérieuse envie de donner tout mon temps à ce nouveau projet et donc de me consacrer pleinement à la contrebasse. Jâai donc arrêté toutes mes activités en chant classique parce que cela sâest avéré une discipline très, trop exigeante, tant physiquement que techniquement. Je nâai pas pour autant cessé de jouer de ma voix puisque jâai monté il y a trois ans le projet « The Source » ou je chante en anglais des textes de poètes des 18ème, 19èmes et 20èmes siècles écrits par William Blake, Lord Byron, WB Yeats ou traduits en anglais (Rumi, Maitre Eckhart) dans un registre plutôt pop. Se frayer une voie entre pop et jazz, câest aller pour moi vers un rêve : la profondeur et la sophistication de la musique en même temps que lâimmédiateté avec le public.
Il y a dâabord lâaventure que jâai le bonheur de vivre avec mon ami Guillaume de Chassy avec qui jâappartiens, comme avec Edward Perraud ou Jean-Charles Richard, à une même famille dâesprit. Il y a tout juste dix ans avec le clarinettiste Thomas Savy et moi-même à la contrebasse, Guillaume a monté le trio âSilencesâ avec un s. Câest merveilleux ! Tous les trois partagent ensemble une certaine idée collective et lente, économe et apaisée de la musique. Avec Guillaume et Thomas, nous avons aussi en commun la double culture jazz et classique. Câest au sein de ce trio que nous avons enregistré en 2001 dans lâécrin magique de lâabbaye de Noirlac pour feu le label BeeJazz notre premier album dans lequel nous revisitions librement les musique de Schubert, Prokofiev et Poulenc. En 2014 un second album intitulé âBridgesâ sera publié sur le label Alpha Classics avec le renfort du chanteur baryton basse Laurent Nouari, mari de Nathalie Dessay. Quand récemment Guillaume mâa fait part de son désir dâécrire un nouveau programme sur des chansons françaises où flotterait les souvenirs délicieux de Danièle Darrieux, Lucienne Delyle et Suzy Delair, je lui ai suggéré dâinviter comme interprète idéale Elise Caron. Cela a immédiatement âmatchéâ. Depuis cette rencontre, Elise et Guillaume sont devenus très amis. Enregistré il y a plus dâun an, un disque intitulé âLââme des poètesâ devrait sortir en octobre sur le label Alpha Classics. Avec Elise, Thomas et Guillaume qui comme moi aimons allègement enjamber les frontières entre musique classique, jazz et chanson, nous explorons ensemble un parcours musical dont la poésie est le fil conducteur, universel et intemporel.
Jâai le bonheur de faire partie depuis plus de six ans du quintette quâanime Edward sous le nom de âSynaesthetic Tripâ. Son nouveau trio qui bénéficie au piano de la présence Bruno avec qui nous partageons la même fibre lyrique sâappelle âHors Tempsâ. Ce projet correspond incroyablement à lâair du temps, puisquâà lâautomne dernier il a été enregistré dans une bulle temporelle inédite, entre deux confinements ; dans le studio Label Bleu à Amiens.